LA DÉCEPTION POPULAIRE À VENIR QUI NE VIENT PAS

Christian Bouchet

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Au lendemain de la victoire de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle, une thèse fit florès dans les milieux dirigeants de l’opposition nationale : il suffit d’attendre, le peuple va rapidement être déçu et se jettera dans nos bras !

Dans le numéro 41 de Résistance, j'avais montré une certaine incrédulité face à cet argument et prédis que l’avenir proche pourrait être beaucoup plus consensuel que conflictuel : « Gageons que d’ici quelques semaines, sinon quelques mois, Nicolas Sarkozy aura su s’entourer de conseillers pro-américains et pro-israéliens en politique étrangère, de “musulmans de service” pour les immigrés maghrébins ordinaires, de Beurs et de Beurettes largement subventionnés pour la gestion des quartiers dits “difficiles”, d’intellectuels de cour pour louer les bienfaits de sa politique culturelle, et de syndicalistes très coopératifs pour légitimer sa “politique sociale” très libérale. » Je n'étais pas alors très loin de la réalité…

Un sondage IFOP très récent me donne raison : trois mois après son investiture, 64% des Français se déclarent « plutôt satisfaits » de la façon de gouverner du nouveau président de la République. Une large majorité de Français approuve donc les mesures et initiatives prises et Jean-Marie Le Pen est de ceux-ci qui, selon l’AFP, a jugé plutôt positivement les premières semaines de Sarko au pouvoir en déclarant : « Chacune de ses actions est mûrement réfléchie, pesée, très bien informée et jusqu'ici assez bien réalisée. Il fait une chose qui est moralement positif, c'est qu'il tient, semble-t-il au moins, un certain nombre de ses promesses électorales, bien sûr pas toujours dans la dimension et la profondeur que pourraient attendre ceux qui ont voté pour lui, mais tout de même, il va dans cette direction-là ».

Avouons que la déclaration de JMLP ne nous surprend qu'à moitié, jusque parmi mes proches, certaines de ses initiatives ont éveillé une satisfaction incrédule. Ainsi en est-il de l’« affaire libyenne » qui, analysée en termes politiques et placée dans son juste contexte géopolitique, a semblée à beaucoup un génial coup de main gaullien bénéficiant non seulement à l’industrie du nucléaire et de l’armement français mais redorant aussi le blason de la France dans le monde arabe (et en fait continuant sa politique arabe) et permettant à notre pays de prendre pied solidement dans un pays qui traditionnellement a des rapports étroits avec l’Italie et les pays anglo-saxons.

Alors tous sarkozystes ? Fichtre non ! Mais force est de constater que l’état de grâce est bien là et qu’il peut durer encore longtemps.

On peut médire, ad nauseam, du nain hongrois, mais si nos critiques n’éveillent aucun écho dans la populations françaises elles sont aussi vaines qu'inutiles.

Il reste donc à trouver l’angle d’attaque, à discerner d’où viendra le mécontentement. Là, on peut être sûr d’une chose : ce ne sera pas d’où les blaireaux l’attendent, ce ne sera pas sur l’immigration, l’insécurité ou l’islam. Par contre le sondage de l’IFOP précité donne une indication précieuse : « les décisions du président de la République sont toutes approuvées, à l’exception toutefois de l’annonce de non-remplacement de plus de vingt-deux mille fonctionnaires partant à la retraite. »

Voilà sans doute où blessera le bât : sur le social et sur le maintien des services de l’Etat. C’est, en effet, le vote d’une grande partie des employés, des ouvriers et des classes moyennes déclassées, reléguées loin des grands centres urbains, de leur dynamisme économique et culturel, qui a permis à Sarkozy de passer la barre des 30% au premier tour et de triompher au second. Or ces électeurs n’ont aucunement approuvé le programme économique de Nicolas Sarkozy. Bien au contraire, ils lui ont demandé d’user de son autorité pour sauver les acquis sociaux dus à la gauche et pour maintenir l’existence des services de l’Etat hors des villes importantes.

Cela m'amène à reprendre la conclusion de l’éditorial du numéro 42 de Résistance. Ne nous trompons pas de combat « L’alternative n’est pas de s’enfermer dans le bunker des “purs et durs” ou, au contraire, de chercher à se “banaliser” ou à se “dédiaboliser”. L’alternative est toujours la même : vouloir encore incarner la “droite de la droite” ou se radicaliser dans la défense des couches populaires pour représenter le peuple de France dans sa diversité ».

Notre tache toute entière est là : à l’intérieur ou à l’extérieur du Front national, selon le caractère et les possibilités de chacun, contribuer a ce qu’il devienne « une force de transformation sociale dans laquelle puissent se reconnaître des couches populaires au statut social et professionnel précaire et au capital culturel inexistant, pour ne rien dire de ceux qui ne votent plus. »

C’est cela ou sinon ce sera le retour aux éternels 2% et l’histoire politique française se jouera sans nous.