DES FRANÇAIS TOMBERONT-ILS POUR WASHINGTON ET TEL AVIV ?

Christian Bouchet

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Il y a quelques jour, Abd Al-Bari Atwan, directeur du quotidien nationaliste panarabe Al-Quds Al-Arabi, énumérait dans les colonnes de son journal neuf indices tendant à prouver qu’une guerre contre l’Iran aurait lieu au cours des six prochains mois.

« Après l’été, écrivait-il, les affaires sérieuses redémarrent. La diplomatie occidentale se remet en branle, et tout indique qu’elle se focalisera à nouveau sur le Moyen-Orient. Dans les mois à venir, le point de fixation sera l’Iran, prochaine cible des Américains. Nous devons nous attendre à une escalade politique, diplomatique, médiatique et militaire sans précédent contre ce pays et son programme nucléaire. Car le temps qui reste au président George Bush est désormais compté pour traiter ce dossier. Un certain nombre d’évolutions récentes donnent à penser que la guerre aura lieu dans les six prochains mois, à moins d’un miracle sous forme de capitulation, semblable à celle de la Libye ou, plus récemment de la Corée du Nord. » et de passer en revue ses neufs indices dont le deuxième était : « Le nouveau président français, Nicolas Sarkozy, commence à occuper la place laissée vacante par Tony Blair, à savoir celle du meilleur allié de Washington. Il a donc abandonné la ligne chiraquienne au profit d’une américanisation de ses positions à propos du Moyen-Orient. A son retour de ses vacances d’été américaines, il a déclaré aux 188 ambassadeurs qui représentent la France à travers le monde que l’acquisition de l’arme nucléaire était la ligne rouge à ne pas franchir et que l’Iran s’exposerait fatalement à des bombardements s’il ne renonçait pas à ses ambitions. »

Abd Al-Bari Atwan ne croyait pas si bien dire, à peine venait-il de publier ce texte que Bernard Kouchner estimait, dimanche dernier, que le monde devait se « préparer au pire », c’est-à-dire à la possibilité d’une « guerre » avec l’Iran, si cette dernière persistait dans son refus à suspendre son programme nucléaire. Il était appuyé le lendemain par le Premier ministre François Fillon qui, sans reprendre le terme de « guerre », estimait que Kouchner avait « raison », jugeant que la tension avec l’Iran était « à son extrême » … en particulier avec Israël.

Dans les jours qui suivait l'indignation de la classe politique et de l'opinion publique aussi bien en France qu'à l'étranger entraînait un recul de Bernard Kouchner qui précisait que ses propos avaient été sortis de leur contexte et déformés par les journalistes. Tandis que le ministre de la Défense Hervé Morin déclarait :« Personne ne peut penser un seul instant que nous sommes en train d'imaginer et de préparer des plans contre l'Iran. [...] Il faut tout faire pour éviter une catastrophe qui serait soit que l'Iran ait la bombe ou que certains pays soient amenés à bombarder l'Iran ».

Il est vrai que dans le même temps, le représentant des États-Unis à l’assemblée de l’AIEA, le ministre de l’Énergie Samuel Bodman, s’était, gardé de jeter de l’huile sur le feu, en affirmant que les États-Unis souhaitaient continuer à privilégier la diplomatie dans le dossier nucléaire iranien.

La presse arabe, qui a commentée ces péripéties est atterrée, dans al-Watan, Faycal Metaoui remarque avec tristesse que Kouchner a « dévoilé le nouveau style de la politique extérieure de la France marquée par une agressivité inspirée du modèle (…) qui met mal à l’aise les amis de la France dans le monde arabe et musulman. Paris, qui a eu une attitude respectable en refusant de cautionner l’invasion de l’Irak par les troupes américano-britanniques, cherche à s’imposer comme acteur sur la scène mondiale. Mais cela justifie-t-il cet empressement à vouloir brûler les étapes et à remettre en cause des acquis gagnés difficilement au fil des ans ? (…) Kouchner n’a eu aucune honte à demander la démission du Premier ministre irakien, Nouri Al Maliki — au nom de quelle autorité ? — avant de se raviser et de demander des excuses, n’a fait que mimer l’attitude de George W. Bush qui a fait la même proposition, fait de même avec l’Iran ».

Imitation des USA, soutien à l’entité sioniste(1), voilà à quoi semble se limiter soudain notre politique étrangère Ainsi demain pourrions nous faire, la guerre à l’Iran pour la défense des intérêts de Washington et de Tel Aviv…

Nous n’en sommes, heureusement, pas encore là. Mais les ballons d’essai ont été lâchés, les manœuvres gouvernementales pour habituer la population à une telle éventualité commencent et s’intègrent à celles de la propaganda staffel américano-sioniste pour mettre les « esprits en ordre ».

Si la politique étrangère de Chirac nous avait donné l’habitude, en ce domaine, d’être fier d’être Français, nous risquons bien, de plus en plus au fil des mois, d’en avoir honte.

notes

1 - Invité du Comité directeur du CRIF, le 17 septembre, Claude Goasguen a fait part de son optimisme sur l’évolution des relations entre Paris et Jérusalem. « Nous sommes entrés dans une phase de reconstitution de l’amitié entre la France et Israël », a estimé le député de Paris, qui pourrait succéder à Rudy Salles à la présidence du groupe d’amitié France-Israël à l’Assemblée nationale. Claude Goasguen a rappelé que Nicolas Sarkozy, qui avait effectué son premier voyage en tant que président de l’UMP en Israël en 2005, n’a jamais transigé sur la sécurité d’Israël. Il a également noté avec satisfaction « l’attitude de fermeté » de la France sur la question iranienne.